Nous disons au japon que l’alpha et l’oméga du Budo sont dans Rei. Les instincts combatifs et agressifs s’exacerbent s’ils sont laissés libres lors de la pratique du combat.

Pour diriger une troupe animée de ces instincts agressifs sans qu’elle ne tende à la désintégration, des règles se sont avérées nécessaires. L’étiquette et la discipline, probablement nées de ce besoin, permettent le fonctionnement harmonieux de ces règles.  Le combat dépourvu de règles et d’éthique relève du monde animal et non du Budo. Le Bugei (les techniques de la guerre) et le Bujutsu ne sont que les moyens de la guerre. Rei se traduit simplement par le salut.

Le caractère Rei est composé de deux éléments: Shimesu et Yukata.

SHIMESU : l’esprit divin descendu habiter l’autel.

YUKATA : la montagne et le vase sacrificiel de bois qui contient la nourriture: deux épis de riz, le récipient débordant de nourriture, l’abondance. Ces deux éléments réunis donnent l’idée d’un autel abondamment pourvu d’offrandes et de nourriture, devant lequel on attend la descente du divin…la célébration.

GI :  l’homme l’ordre. Désigne ce qui est en ordre et qui constitue un modèle. Reigi est donc à l’origine ce qui gouverne la célébration du sacré. Il est probable que ce sens s’est ensuite étendu aux relations humaines lorsqu’il fallu instaurer le cérémonial qui régissait les relations hiérarchiques entre les hommes.

O-Sensei ne cessait de répéter : « L’aïkido existe pour donner leur juste place aux plantes, aux arbres aux oiseaux, aux mammifères, aux poissons, aux insectes, jusqu’au moindre moucheron. »

Pour chaque être, connaître sa juste place c’est se connaître soi-même. (…)

Maître, disciple, Sempai (qui a commencé avant), Kohai (qui a commencé après), Dohai (qui ont commencé la pratique en même temps), hauts gradés, débutants, âgés et jeunes. Toutes ces relations fonctionnent concurremment. L’étiquette consiste à déterminer, cas par cas, le juste équilibre. Pour que soit préservé cet ordre, la politesse envers le maître, l’attitude correct envers les Sempai, l’étiquette juste envers les Kohai et Dohai doivent être observées.

L’observation de ces règles est, je crois, la condition de l’équilibre et de la survie des sociétés. Nous avons évoqué plus hauts l’exacerbation des instincts combatifs et agressifs par la pratique du Bujutsu (n’oublions pas que ces instincts en eux-mêmes sont dépourvus de toutes connotations morales: ils existent, sont nécessaires à la survie de l’humanité, un point c’est tout). Cependant, si ces instincts échappent à tout contrôle, la violence envahit tous les actes et on commence à s’en prendre aux faibles, à les mépriser, ou, au contraire, on rampe devant le plus fort tout en le haïssant.

Quand les actes sont régis par l’étiquette, un espace se crée qui permet de vaincre les émotions avec aisance. L’étiquette sert à contrôler le « moi » qui voudrait se livrer aux instincts animaux pour en orienter l’énergie et l’utiliser dans une sens positif.

Extrait de Aïkido Etiquette et Transmission,
N. Tamura, Budo Editions, 2008