Comme heureusement à notre époque, dans nos contrées civilisées, les duels et les champs de batailles sont rares, ce n’est que dans les actes banals du quotidien que je peux mesurer l’impact de ma pratique de l’Aïkido. C’est donc une situation hivernale courante que je relate dans ce texte pondu à l’occasion du passage de mon Shodan.

Glisser… vers la perfection ? Mais d’abord glisser … sur une belle plaque de verglas. C’est l’expérience que j’ai eu l’occasion de concrétiser l’hiver passé.

Devant mon garage, une magnifique plaque de verglas m’a permis de me retrouver en état réel de chute arrière, situation immédiate et irrémédiable. Au moment où je me suis senti « en l’air », avec aucune possibilité de rattrapage, comme j’ai déjà eu l’occasion de le vivre à une ou deux reprises, le temps s’est démultiplié. Les secondes devenues plus longues, m’ont permis de penser à une foule de chose avant de retomber. La pensée principale a été que la chute était inévitable. Ensuite, devant cette évidence, que je devais accepter cette chute.
Dès ce moment j’ai vraiment laissé aller, voir même je crois, projeté mon corps comme si je me jetais en arrière sur mon lit ou dans un profond fauteuil. Ceci en toute décontraction et en toute sérénité.

C’était tout autre chose après l’atterrissage… Une douleur forte sur toute la surface de l’avant-bras droit (brise-chute ?), un léger « goût de violence » dans la bouche et un traumatisme ressenti dans tout mon être. La surface de la glace était vraiment très dure et la chute aussi. Par contre, pas d’autre douleur localisée, ni de séquelles physiques. Ce n’est cependant que le lendemain matin, après une nuit de sommeil, que je me suis senti vraiment remis. En me relevant après ma chute, j’ai vu ma femme debout à côté du garage, hilare. Et au moment où j’écris ces lignes, je crois qu’elle n’a toujours pas cessé de rire.
Elle m’a dit que c’était une chute extraordinaire, « comme à l’Aïkido » !

En y réfléchissant, je me suis remémoré quelques autres gestes quotidiens, acquis dans mon corps, sans intervention de l’esprit qui viendrait ralentir le processus, comme par exemple, sans y penser, sans effort et sans brusque réflexe, rattraper un objet qui tombe en l’accompagnant et le saisissant dans sa chute. Je ressens aussi une sensation de mon environnement, peut-être pas plus pointue qu’avant, mais plus sereine, plus en phase avec la réalité telle qu’elle est, au lieu de la rêver telle que je la voudrais. Egalement de plus en plus fort, le sentiment que seul compte le moment présent.

A ce stade, ce ne sont effectivement que des sensations vagues, mais qui me donnent envie de continuer l’Aïkido pour voir où cela peut me mener, quel apport physique ou psychique cet art martial peut encore me procurer.

Continuer à pratiquer aussi pour, plus simplement peut-être, sur n’importe quel genre de prochaine plaque de verglas, ne plus glisser…

André Perret